Il faut parfois regarder le monde avec d’autres yeux. Ou voir plus loin que le bout de son nez. Si l’on considère uniquement les chiffres des ventes de voitures, dans l’absolu, on serait en droit de penser que l’industrie automobile n’a pas le moindre besoin de changer quoi que ce soit. Les surenchères de records de ventes entre les fabricants vont bon train. Les marchés chinois et américain sont toujours en plein essor et les chiffres d’affaires annuels en Suisse tendent également à augmenter.
Cette tendance s’inversera tôt ou tard. Les constructeurs automobiles sont sous pression. De plus en plus de jeunes se détournent de la voiture. Les grandes villes exigent de nouveaux concepts de mobilité et, enfin et surtout, le débat sur le climat veut que la voiture soit considérée d’un œil toujours plus critique, qu’il s’agisse d’un SUV ou d’un break, d’une voiture électrique ou d’un moteur à combustion interne. Par conséquent, il faut faire jaillir de nouvelles idées. Le besoin de mobilité continuera d’augmenter quoi qu’on en dise, ce qui ouvre la voie à de nouvelles start-up qui offrent des services de mobilité. Bien évidemment, les constructeurs automobiles ne veulent pas rester les bras croisés et perdre leur part du gâteau.
Abonnement automobile
Les premières approches sont simples et déjà disponibles sur le marché. Pour offrir plus de flexibilité aux clients et les décharger des obligations liées à la possession d’une voiture, GM propose par exemple un abonnement automobile dans l’agglomération zurichoise. Vous vous inscrivez, payez entre 1900 et 2100 francs par mois selon la durée et pouvez être mobile 24 heures sur 24 sans votre propre voiture : parfois au volant d’un Cadillac Escalade pendant une semaine, puis d’une Corvette le week-end et enfin de la Cadillac CT6. Le meilleur : un concierge dépose votre nouvelle voiture et passe reprendre la précédente. Excepté le carburant, tous les frais sont inclus dans l’abonnement de l’auto. Volvo a également une offre similaire dans son carquois, qu’elle lancera en Suisse cette année. Les offres de GM et de Volvo s’adressent clairement à la clientèle haut de gamme, plutôt aisée.
Avec la start-up Clyde, fondée à cet effet, Amag propose une offre pour le grand public. Le service de conciergerie et autres goodies ne sont plus nécessaires, mais le principe est le même : en fonction du kilométrage - jusqu’à 2 500 km par mois sont possibles - la voiture choisie est conduite à un tarif forfaitaire qui inclut tous les frais, à l’exception du ravitaillement en carburant et du stationnement. La durée minimale est de trois mois, après quoi vous pouvez résilier l’abonnement à tout moment et restituer la voiture.
Un autre avantage de l’abonnement automobile par rapport aux contrats de location classiques est qu’en tant qu’abonné, vous avez toujours l’impression de posséder votre propre voiture. Cela signifie que vous pouvez emprunter « votre » auto et qu’elle est également immatriculée dans votre propre canton de résidence. Après tout, on ne peut pas imaginer qu’un véritable Zurichois conduise dans la région avec une plaque d’immatriculation argovienne, n’est-ce pas ?
Le dernier kilomètre
L’idée du dernier kilomètre fait son chemin. Il décrit l’itinéraire du parking à la destination réelle. Une méthode omniprésente pour couvrir cette distance dans les villes est celle des scooters électriques, qui poussent comme des champignons et qui sont commandés via des applis. Certains constructeurs automobiles, tels que Peugeot ou Hyundai, flirtent également avec ce concept. Cependant, il semblerait que le scooter soit déjà installé de façon permanente dans le coffre du modèle respectif. Jusqu’à présent, il ne s’agit que de concepts qui n’ont pas encore fait leur apparition sur le marché. On peut se demander si ce train n’est pas déjà parti avec les services des fournisseurs tiers, déjà trop bien implémentés.
Carsharing
« Sharing is caring ! » Volvo, entre autres, poursuit la démarche du partage. Avec l’application Volvo-on-Call, il est possible de donner à des amis ou membres de la famille un accès temporaire à la voiture pour leur permettre de la démarrer eux-mêmes sans avoir besoin d’une clé. D’autres constructeurs automobiles envisagent également cette méthode de covoiturage privé. Si elle réduit la durée de vie de votre propre voiture, mais elle diminue également le nombre de voitures par ménage.
Le covoiturage classique tel que nous le connaissons dans notre pays, en particulier chez Mobility, est également très populaire. De plus en plus de constructeurs automobiles mettent à disposition un parc de véhicules d’autopartage, notamment en Allemagne. VW va plus loin et crée un prestataire de services de conduite électrique à Hanovre et Hambourg avec le service de conduite Moia, analogue au système Uber.
Plus que des voitures
Se déplacer en ville dans un SUV de deux tonnes est certes confortable, mais beaucoup rétorqueront qu’ils s’agit d’une absurdité écologique. De plus, les heures de congestion dans les métropoles du monde entier sont définitivement en hausse, et non en baisse. Des alternatives sont donc nécessaires, et les constructeurs ne tiennent pas à les laisser à la concurrence. En Suisse, Mercedes mise sur l’aide de la SBB. Toute personne qui achète un Mercedes EQC reçoit en même temps un crédit mensuel de 40 francs pour l’ensemble du réseau de transport public suisse.
Seat suit complètement sa propre voie. Ainsi, par exemple, les Espagnols ont conçu un scooter électrique et une voiture de ville électrique à deux places, ce qui permet non seulement de se déplacer de façon plus écologique en ville, mais aussi plus rapidement grâce à sa petite taille. Les constructeurs japonais ont également déjà présenté des concepts sur la façon de se déplacer dans les cités avec des mini voitures. Ce qui est souvent oublié : le grand pionnier de cette catégorie de véhicules, la Renault Twizy, est déjà sur le marché depuis 2012. Il est fort possible que Renault soit arrivé trop tôt...
Élargissement du portefeuille
Au final, les services de mobilité ne remplaceront pas le classique achat de voiture dans un proche avenir. Néanmoins, les constructeurs automobiles réussissent à conquérir de nouveaux segments de marché, même de niche. Dans le contexte de la numérisation, la mobilité de chacun évoluera, et en fin de compte, seuls les constructeurs de voitures de luxe et/ou sportives pourront se permettre de rester fidèles à leur modèle économique. Pour tous les autres, l’évolution est inéluctable.
Texte : Koray Adigüzel
Tous unis
La réflexion sur la mobilité individuelle n’aura plus sa place dans la mobilité
urbaine future. Au lieu de cela, on verra différentes offres fusionner les unes avec les autres.
Celui qui veut aujourd’hui combiner différents services de transport doit soit payer les factures séparément à chaque fois, soit posséder différents abonnements. Cela changera et doit changer : tout acteur capable de mettre en place une offre de mobilité comprenant une grande variété de voies et de moyens de transport aura une longueur d’avance. Ce qui constitue parfois une des raisons pour lesquelles les constructeurs automobiles sont si assidus dans le choix de leurs services de transport avec d’autres entreprises qui offrent des services de mobilité.
La voiture comme salon
Au summum de la nouvelle mobilité, la voiture autonome est au cœur des débats. Les études de constructeurs ont chacune établi comment une telle voiture devrait être imaginée et quelles possibilités elle devrait offrir. L’automobile sera alors considérée comme un espace de vie, permettant aux gens de se détendre et de parler comme à la maison, ou aux voyageurs d’affaires d’utiliser le temps de déplacement pour travailler.
Ce qui se trouve « sous le capot » d’une telle voiture ne sera alors plus fondamental. Le système d’infotainment ou l’ambiance à bord seront bien plus importants. Mais dans le fond, l’existence de voitures autonomes n’exclut pas l’existence de voitures conventionnelles. Pourquoi se décider, alors que l’on peut avoir les deux ?